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Esquisse d’une critique de la raison humoristique (par Daniel Schulthess)

Conférence du 1er juin 2013 par Daniel Schulthess 

Daniel Schulthess
Daniel Schulthess

Parmi les traits saillants du rire, nous retenons – afin d’entrer dans notre sujet – son aptitude à administrer une sorte de punition. Henri Bergson, reprenant une formule traditionnelle, notait ainsi que  » le rire châtie les mœurs  » (Le Rire I. 2). Sous cet angle, le rire véhicule de façon tout à fait originale et simultanée une évaluation de l’objet du rire (évaluation dépréciative à sa façon) et une sanction immédiate, sans sursis ni délai. Par cette réalité biface, le rire constitue une conduite d’une nature bien spécifique. Le pivot de notre propos est le suivant : en tant que conduite, le rire est lui-même passible d’une évaluation (du genre de celles qu’on applique aux punitions), une évaluation de second ordre, pour ainsi dire : le rire est approprié ou non, acceptable ou non, mérité ou non. Cela en fonction principalement de l’objet du rire. Nous nous proposons d’identifier quelques-unes des normes qui peuvent sous-tendre une telle évaluation de second ordre. Nous postulerons ensuite que de tels jugements s’appliquent aussi à l’humour, en tant qu’il tend à susciter le rire dans telle ou telle situation. Les normes que cette façon de cadrer les situations permet d’identifier sont fortement contextuelles, et leur statut est d’abord positif et social : nous pouvons les décrire sans y souscrire. Certes elles ne manquent pas d’une autorité bien marquée ; autorité disputée à différents titres cependant, car les vertus critiques de l’humour et du rire sont évidentes. Nous nous demanderons quels conflits de normes peuvent exister sur ce plan du second ordre, venant configurer une sorte mineure de dialectique. La présence de conflits de normes nous incitera à nous demander comment ils peuvent être résolus.

Daniel Schulthess est professeur d’histoire de la philosophie à l’Université de Neuchâtel (Suisse). Voir la page internet. Depuis 2010, il préside l’Association des Sociétés de Philosophie de Langue Française (ASPLF).

Bulletin 2013 107 3