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Qui a dit « animal rationale » ? (par Jean-Michel Muglioni)

Conférence du 28 mai 2016 par Jean-Michel Muglioni.

Les meilleurs historiens de la philosophie disent traditionnelle ou classique la définition de l’homme comme animal raisonnable. Saint Augustin déjà l’attribue aux anciens. Locke la qualifie de scolastique et ironiquement de sacrée, Leibniz dans sa réponse la dit « consacrée ». Heidegger en fait le centre de sa critique de l’humanisme, lequel aurait manqué l’humanité de l’homme parce qu’il l’a pensée à partir de Muglioni4Rediml’animalité, rangeant l’homme dans le genre animal, avec la raison comme différence spécifique, et de là serait venu le biologisme. Foucault lui aussi prétend que cette définition règne depuis 2000 ans en occident, mais ne lui donne pas ce sens. Ce ne sont que quelques exemples.

Cette définition n’est qu’une fiction scolaire : un exemple donné dans les manuels de logique pour montrer ce qu’est la définition par genre et différence spécifique, et non une thèse sur l’humanité de l’homme. Au contraire, chaque fois qu’elle est reprise dans un contexte métaphysique et anthropologique, par Montaigne, Descartes, Locke, Leibniz, Kant, Hegel, elle est rejetée. Il est faux de prétendre que tout le monde l’a admise et qu’elle consisterait à penser l’humanité à partir de l’animalité.

Auguste Comte affirme la parenté de l’homme et de l’animal contre cette définition, expression d’un mépris théologique des animaux : son jugement est l’exact contraire de celui de Heidegger. Et d’un même mouvement il condamne un matérialisme qui croirait trouver dans la biologie le principe d’explication de la sociologie. On pourra donc voir que penser l’homme à partir de l’animalité ne débouche nullement chez lui sur un biologisme.

Jean-Michel Muglioni, ancien professeur en khâgne, docteur d’État, est vice-président de la Société française de philosophie.

Conférence publiée, Bulletin 2016 110 3