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Bergson, empathie et relativité (par Gérard Jorland)

Conférence du 4 décembre 2010 par Gérard Jorland 

Gérard Jorland
Gérard Jorland

Einstein séjourna à Paris du 28 mars au 10 avril 1922 à l’initiative de Paul Langevin qui l’avait fait inviter par l’assemblée des professeurs du Collège de France en 1913 pour 1914, mais avait du repousser cette invitation à cause de la guerre. Einstein fit une conférence au Collège de France le 31 mars suivie de trois séances de discussions les 3, 5 et 7 avril et d’une quatrième, bien qu’elle fût chronologiquement la troisième, à la Société française de philosophie le 6 avril. Aucune autre société savante, ni l’Académie des sciences, ni la Société de physique, ni la Société astronomique, ni aucun autre établissement d’enseignement supérieur ne se risquèrent à inviter Einstein. La presse s’était en effet déchaînée contre ce juif allemand, espion bolchevik de surcroît, tenu responsable du fait que son pays refusait de payer les réparations de guerre en conclusion de ce syllogisme :  » Il a dit que le temps n’existe pas ; et comme le temps, c’est de l’argent, l’argent n’existe pas. « 
Cette même année 1922, Bergson publiait Durée et Simultanéité. On s’attendait donc à une explication entre le philosophe de la durée et le physicien de la relativité du temps. Il n’y en eut pas. A l’intervention assez longue de celui-là, celui-ci ne répondit que de façon laconique, concédant un temps psychologique différent du temps physique, mais récusant l’idée même d’un temps philosophique distinct.
La discussion n’eut lieu les années suivantes qu’entre Bergson et André Metz, mandaté, pour ainsi dire, par Meyerson, qui écartait l’interprétation bergsonienne de ses réflexions sur la déduction relativiste, et Jean Becquerel. Ce fut un dialogue de sourds. André Metz ne cessa de réitérer le raisonnement einsteinien à l’intention de Bergson, qui l’avait parfaitement compris, sans se soucier de prendre en considération les arguments du philosophe.
Bergson a concentré son analyse de la théorie einsteinienne de la relativité restreinte sur l’expérience de Michelson et Morley d’une part, et sur le paradoxe des jumeaux de Langevin d’autre part. Je m’emploierai à montrer que, s’il a voulu sauver la simultanéité par une expérience de pensée, il a défendu l’existence d’un temps universel par un recours à l’empathie. Finalement, Bergson n’avait-il pas raison ?

Gérard Jorland est directeur de recherches au CNRS et directeur d’études à l’EHESS.
Voir la page de Gérard Jorland sur le site de l’EHESS.

Bulletin 2010 104 4