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Changement et pensée du changement. Le parcours de la sociologie critique (1970-2011) (par Robert Castel)

Conférence du 19 mars 2011 par Robert Castel 

Robert Castel
Robert Castel

Je partirai d’un constat extrêmement banal mais qui me paraît soulever des problèmes difficiles. Entre la fin des années 1960-début des années 1970 et aujourd’hui, l’état du monde social a énormément changé. Parallèlement la représentation de ce monde telle qu’elle est portée par les Sciences sociales a également profondément changé. Quelles relations peut-on établir entre ces deux registres de transformations ?

Dans quelle mesure peut-on aujourd’hui conserver, ou faut-il récuser, ou réformer, ou redéployer, la posture théorique et les catégories d’analyses qui paraissaient pertinentes pour interpréter la problématique sociale, alors qu’une quarantaine d’années plus tard le diagnostic que l’on peut porter sur l’état de la société est tout différent ? 

Je n’ai bien entendu pas la prétention d’apporter une réponse catégorique à ces questions, ni de les hisser au niveau d’une véritable élaboration philosophique. Je voudrais plutôt illustrer les difficultés qu’elles soulèvent en retraçant le parcours de la sociologie critique entre la période où elle paraissait occuper une position dominante dans le champ des sciences sociales et son positionnement actuel. J’essaierai donc d’abord de dégager le type de relations qui a uni la conception de l’ordre social telle qu’elle paraissait s’imposer autour des années 1970 et le type de contestations de cet ordre social que la sociologie critique a alors développé. Puis, les principaux paramètres qui sous-tendaient une telle représentation du monde social s’étant profondément modifiés, on pourra se demander s’il y a encore un sens à proposer aujourd’hui une lecture de la société, et si oui à quelles conditions.

Mon propos se veut ainsi une invitation à s’interroger sur les relations entre changement et continuité dans la lecture de l’histoire et, pour ceux qui ont vécu ces transformations, sur l’exigence de rester le même ou au contraire de changer soi-même lorsque tout ou presque devient différent. Mais je ne pourrai proposer que quelques prolégomènes pour soutenir une telle réflexion, compte tenu du caractère très limité, et très particulier de la séquence historique retenue, et aussi du fait qu’ayant personnellement traversé cette période, ma propre réflexion risque d’être entachée de subjectivisme.

Robert Castel est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Bulletin 2011 105 2