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Matérialisme et naturalisme métaphysiques (par Marcel Conche)

Conférence du 19 mars 2005, par Marcel Conche

I. Par  » métaphysique « , j’entends un discours  » par raison naturelle  » (Descartes) au sujet du Tout de la réalité. Épicure est aussi métaphysicien que Platon. Le spiritualisme place l’Esprit absolu à l’origine des choses. Pour le naturalisme, il n’y a rien d’autre que la Nature. Le matérialisme est un naturalisme qui réduit la Nature à la matière. Quelle métaphysique est la vraie ? Il n’y a pas de décision rationnelle possible. La métaphysique se fonde dans la liberté. La liberté est ce sans quoi un jugement ne peut avoir un sens de vérité. C’est le point d’Archimède. Le matérialisme qui nie la liberté, nie sa propre condition de possibilité.

Il. Ma position métaphysique est le naturalisme non matérialiste. La Nature s’offre aux sens, dont le témoignage est irrécusable (cf. Lucrèce). Il ne faut pas scinder en deux la Nature, comme le font ceux qui opposent  » qualités secondes  » et  » qualités premières « . Il n’y a pas la nature apparente, celle de la perception, et la nature vraie, celle de la science. Le vert de l’arbre qui verdoie est dans la Nature.

III. La matière ne peut faire l’unité de la Nature, car la notion perd son sens au niveau subatomique. L’énergie, en laquelle la matière se résout, est un être mathématique. La physique quantique est immatérialiste.

IV. La notion de matière garde son sens au niveau macroscopique, avec l’opposition de l’animé et de l’inanimé, qui relève de l’expérience. Mais alors, elle manifeste son absence de valeur explicative : le matérialisme échoue à expliquer, à partir de la matière, la vie et l’esprit.

V. L’explication est à chercher au niveau de l’infime, de l’infiniment-petit physique, où règne la constante h de Planck. Un éléphant est un grand corps matériel (il est volumineux, pesant, etc.), mais en tant que vivant, il appartient au monde subatomique.

VI. Dans l’infini de petitesse se trouve la clé de la créativité de la Nature.  » Créativité  » signifie non-équivalence de la cause et de l’effet, causalité créatrice. L’homme libre, autocréateur, est en accord avec l’essence de la Nature. La prétendue contradiction entre la Nature et la liberté suppose une conception matérialiste de la Nature.

VII. La créativité de la Nature, qui n’est limitée que par elle-même, est infinie. La Nature, illimitée, forme non un ensemble ayant une unité de surplomb, mais une multiplicité inassemblable et non structurée. Mais s’il n’y a pas de structure de l’infini, il y a des structures dans l’infini. La Nature éclate en mondes innombrables, finis et structurés.

VIII. Pour la science, l’univers est un ensemble où tout se tient, c’est-à-dire un monde. La science est principe d’illusion, puisqu’elle finitise la Nature.

Bulletin 2005 99 2