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Une pensée non hiérarchique est-elle possible ? (par Daniel Parrochia)

Conférence du 19 novembre 2005, par Daniel Parrochia

Le concept de hiérarchie (de hiéros, sacré, et archè, principe), au départ dans la dépendance d’un lourd passé ecclésiastique – puisqu’il désigne originairement l’ordre des milices célestes (anges, archanges,

Daniel Parrochia
Daniel Parrochia

etc.) – en est venu à signifier, une fois sa laïcisation accomplie, toute espèce de subordination sérielle de personnes, d’objets, de faits ou d’idées, un ordre total ou partiel étant défini sur leur ensemble. L’idée de hiérarchie, déjà présente dans l’organisation des sociétés les plus anciennes (les  » classifications primitives  » de Durkheim et Mauss), reçoit alors une grande extension, pénétrant tour à tour le domaine de la politique, de la morale, de la sociologie ou encore de l’épistémologie.

Largement utilisée par les philosophes et les savants (taxinomistes ou théoriciens des systèmes), qui en ont fait un modèle de pensée et même du monde, la hiérarchie s’est vue opposer deux sortes de critiques : – Une critique de type politique qui, au nom d’une pensée libertaire, entend faire fond sur la puissance du moi (Max Stirner) ou l’existence du multiple pour renverser les ordres et leur substituer, non pas le désordre, mais une organisation dépourvue de centre, principe ou « chef  » (anarchie). – Une critique de type épistémologique, qui opposera aux formes hiérarchiques réputées rigides et simplistes (arbres) des structures supposées plus souples ou plus complexes (organisations réticulaires, rhizomes, enchevêtrements ; boucles ou structures paradoxales) ; Ces critiques n’ont pas toujours réussi à convaincre : en pratique, organisations sans chef et sociétés sans classes restent l’exception; en théorie, le développement de la logique moderne (fin XIXe, début du XXe siècle) a semblé au début plutôt confirmer la nécessité des hiérarchies (hiérarchie des types logiques de Russell, hiérarchie des ensembles de Zermelo-Fraenkel) garantes de la cohérence de la pensée (ou du maintien de cette cohérence le plus loin possible). Nous savons pourtant aujourd’hui, après la réinterprétation des travaux mathématiques de Paul Finsler par Peter Aczel, qu’il y a une alternative à cet univers. Une pensée non hiérarchique est logiquement et mathématiquement possible : c’est un théorème. Ce résultat amène deux types de questions : Sur le plan théorique, à quel prix obtient-on ce prodige ? Sur le plan pratique, est-ce à dire qu’une telle pensée puisse trouver des applications concrètes ? Et dans quels domaines ? L’image de la pensée (philosophique, scientifique, politique…) en est-elle alors changée ?

Daniel Parrochia est professeur à l’Université de Lyon-III.

Bulletin 2006 100 1