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La politique cosmopolitique : de l’universalisme au pluralisme (par Monique Castillo)

Conférence du 21 janvier 2012 par Monique Castillo

Le pluralisme réunit les esprits dans un même vœu de tolérance partagée. Mais tous n’entendent pas le mot

Monique Castillo
Monique Castillo

 « pluralisme » de la même façon. Le pluralisme, au sens démocratique, est une politique de reconnaissance de la diversité des opinions comme principe de paix sociale et de justice. Au sens humaniste, le pluralisme se présente comme une morale du respect des hommes commesemblables : si je respecte l’autre dans sa différence, c’est parce que sa différence ne fait pas obstacle au respect mutuel. Le pluralisme au sens culturellement différentialiste ou séparatiste réclame un traitement différencié des différences par des exceptions au droit commun ou par l’affirmation de soi contre l’autre (ce dont le bellicisme nationaliste a été un exemple). Alors que le pluralisme humaniste est un universalisme, le pluralisme différentialiste se dit volontiers anti-universaliste. Le premier niveau du problème apparaît ici: l’un des succès du différentialisme culturel vient de ce qu’on le considère comme une intensification de l’exigence humaniste d’égalité, en regardant le relativisme culturel comme un élargissement du principe d’égalité entre les hommes. Il résulte de cette ambiguïté que l’humanisme laïc, paradoxalement, peut servir de caution morale au séparatisme culturel. La réflexion qui sera soumise au débat :

  • emprunte au kantisme une définition de base du mot  » humanisme « , en référence à la règle d’ » hospitalité  » dans le droit cosmopolitique et à l’impératif d’une  » pensée élargie  » dans la pratique du jugement : penser en se mettant à la place de tout autre (CFJ, § 40);
  • prend en compte les mutations introduites par les postérités politiques du kantisme, notamment chez John Rawls, Jürgen Habermas et Ulrich Beck en ce qu’elles font apparaître que l’hétérogénéité des différences culturelles y est plus décisivement soulignée (elles sont dites  » incommensurables entre elles « ) de sorte que le pluralisme devient la manière de pratiquer publiquement un universalisme autocritique, ouvertement hostile à ses propres dérives que sont l’ethnocentrisme ou l’uniformisme;
  • pose la question de savoir comment une conception procédurale de la raison pratique peut conférer au pluralisme le pouvoir de créer une commune confiance dans un humanisme critique au moment où le mondialisme concurrence le cosmopolitisme et où la judiciarisation croissante de la vie sociale montre un besoin accru de flexibilité des instruments juridiques au service d’une division grandissante entre les hommes et entre les communautés. Pour être fidèle à l’universalisme par pluralisme et trouver la voie d’un vivre ensemble équitable, comment se passer d’un minimum de solidarité civilisationnelle, que Kant confiait, pour sa part, à une anthropologie perfectibiliste ?

Monique Castillo est professeur à l’université Paris XII. Voir le site web de Monique Castillo.

Bulletin 2012 106 1