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Qu’est-ce qui est vital ? (par Frédéric Worms)

Conférence du 17 mars 2007 par Frédéric Worms 

Frédéric Worms
Frédéric Worms

Poser la question  » qu’est-ce qui est vital ?  » semble relever d’une évidence et même d’une urgence en quelque sorte immédiate, et pourtant aussi d’un paradoxe et même de plusieurs paradoxes, dont le plus important n’est cependant pas celui qu’on croit. On reviendra donc, dans cet exposé, sur les paradoxes soulevés par la question, avant de tenter d’y répondre, et d’en montrer les enjeux, qui lui donnent en effet une portée elle-même vitale, aujourd’hui peut-être plus que jamais, au centre de ce que nous appellerions le moment présent en philosophie.

On présentera ici brièvement ces paradoxes, en indiquant seulement ensuite le mouvement qui sera suivi pour tenter d’y répondre. A peine en effet pose-t-on la question  » qu’est-ce qui est vital ?  » que, malgré son évidence apparente, d’autres questions semblent surgir, se bousculant presque. La première et la plus importante à nos yeux serait celle-ci :  » n’y a-t-il de vital que le minimum vital ?  » ; chacun de nous, si on lui posait directement la question, ne répondrait-il pas à celle-ci, en effet, non seulement par une liste de  » besoins  » vitaux apparemment minimaux et urgents, mais par une liste en quelque sorte  » supplémentaire « , y incluant même avant tout quelque chose comme des  » principes  » (la justice, par exemple) ? Le premier paradoxe, le plus fondamental peut-être, serait ainsi celui que nous appellerions du minimal et de l’extensif.

Mais le philosophe en ajoutera et même en intercalera une autre. Il dira :  » avant de dire ce qui est vital ne faut-il pas définir ce que c’est que le vital, sinon même ce que c’est que la vie ? « . Nous soutiendrons pourtant que ce paradoxe, loin d’être le premier, doit être posé en dernier, et ne pourra même être résolu qu’à travers celui du minimal et de l’extensif. Autrement dit c’est peut-être en prenant en compte toute l’extension de ce qui est vital que nous comprendrons ce que c’est que le vital, sinon ce que c’est que la vie. Telle sera en tout cas l’une des thèses du présent exposé.

On ne pourra pas cependant la défendre sans passer par un troisième paradoxe ou une troisième question, celle du positif et du négatif. Demander  » ce qui est vital  » n’est-ce pas aussi demander ce qui est  » mortel  » (par une étrange ambivalence de ces deux adjectifs, pas seulement en Français d’ailleurs) ? N’est-ce pas définir la vie non pas même par des choses mais par des manques, par des besoins, par des négations ? Ici aussi, nous soutiendrons pourtant que cette polarité, bien plutôt que cette négativité, est au contraire essentielle à la compréhension du vital, à condition qu’elle s’applique à lui dans toute son extension, qui seule lui donne sa portée non seulement normative, mais éthique et même politique.

Il faudra donc bien, après avoir brièvement approfondi ces paradoxes, tenter dans un deuxième temps de répondre à la question, c’est-à-dire de préciser la tension interne, dans celle-ci, entre le minimal et l’extensif (nous y distinguerons trois niveaux), avant, enfin, de montrer les enjeux de la question elle-même, tant sur un plan métaphysique, pour la compréhension de la vie, que sur un plan moral et même politique, par où elle rejoint bien les enjeux les plus constitutifs du présent.

Bulletin 2007 101 2