Brèves

En soutien à la présidente du jury du CAPES de philosophie

Le 20 septembre 2023

La Société française de philosophie a été informée de la décision du Ministère de l’Éducation Nationale (Direction générale des Ressources humaines) de mettre fin pour l’année 2024 aux fonctions de Madame Sylvia Giocanti, professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en tant que présidente du jury du CAPES de philosophie.

Cette décision – contraire aux usages puisque les présidents de jurys des concours nationaux de l’enseignement du second degré sont en principe nommés pour quatre ans – a été assortie par le Ministère d’un motif que nul ne peut prendre au sérieux (un léger décalage horaire entre la proclamation des résultats de la session 2023 et leur publication en ligne). Cette même décision a suscité l’émotion et la protestation des deux jurys du CAPES et de l’agrégation de philosophie, ainsi que de la 17e section (Philosophie) du Conseil National des Universités.

Le Bureau de la Société française de philosophie s’associe à cette protestation et exprime à notre collègue son complet soutien. Il est parfaitement clair que sa non-reconduction comme présidente du jury ne tient à aucune faute commise, mais exclusivement à un désaccord avec l’administration centrale sur la manière de gérer les nouvelles épreuves « professionnelles » du CAPES, dont Mme Giocanti et son jury ont cherché à maintenir autant que possible la relation avec la discipline.

Par un communiqué en date du 6 décembre 2019, doublé d’un courrier au Ministre Jean-Michel Blanquer, la Société française de philosophie avait déjà exprimé ses plus vives réserves sur la réforme du CAPES devenue effective avec la session 2022. Elle ne peut retirer un mot de ce communiqué, que l’on trouvera joint à la présente déclaration.

S’il convient à l’évidence que les candidats aux concours de recrutement du second degré soient sensibles aux enjeux pédagogiques et didactiques de leur futur enseignement, et avertis du cadre dans lequel ils auront à exercer leurs fonctions, les demandes censées régir les épreuves à caractère professionnel des CAPES demeurent en net décalage par rapport à la formation et à l’expérience de la grande majorité d’entre eux. Sans des aménagements tels que ceux que le jury de philosophie a souhaité introduire, ces épreuves ne pourront prêter à une évaluation rigoureuse, et ne serviront guère qu’à vérifier une conformité idéologique de façade.

L’expérience des plus jeunes enseignants, comme celle de leurs aînés, atteste assez que l’autorité du professeur de philosophie tient entièrement à sa capacité à engager un dialogue philosophique avec ses élèves. De la même façon que l’exercice de la citoyenneté, le goût de la chose publique, la confiance dans la raison, la compréhension réelle de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, sont internes à la pratique de la philosophie en classe. Pour ces raisons, pour atteindre les fins mêmes de l’institution républicaine, l’enseignement de la philosophie et par suite les concours de philosophie ont besoin de plus de philosophie, et non d’éléments de langage.

La Société française de philosophie se joint donc, par son Bureau, aux voix des collègues qui demandent à la Direction générale des Ressources humaines du MEN de reconsidérer sa décision touchant la présidence du jury du CAPES de philosophie. Plus généralement, elle appelle le Ministère à revoir une doctrine du recrutement qui ne peut en réalité qu’aggraver la crise du service public d’éducation.

Voir le Communiqué sur le projet de réforme du CAPES du 6 décembre 2019.