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La place de l’imagination dans l’interprétation du langage (par Eléonore Le Jallé)
L’objet de ma conférence sera de révéler la place de l’imagination dans l’interprétation du langage en m’appuyant sur les travaux du philosophe Donald Davidson, puis en discutant la manière dont, chez cet auteur, cette mise en évidence s’accompagne d’une critique de l’existence de conventions dans le langage, une existence que j’entends, au contraire, conserver. Dans un premier temps, je voudrais donc soutenir l’idée que la communication langagière fait appel à l’imagination en partant des données suivantes, inspirées de Davidson : a) lorsque je parle et veux être comprise j’émets souvent, outre mes énoncés ou au cœur de mes énoncés, des indices à destination de mon auditeur sur le sens de mes paroles ; b) l’auditeur pour m’interpréter tient compte de ces indices et ajuste sa théorie interprétative préalable en conséquence. Or chez Davidson, cette découverte du rôle de l’imagination inventive dans la communication s’accompagne (et constitue une preuve) de la non-conformité du locuteur et de l’auditeur à des conventions linguistiques. Ceci semble supposer que 1) suivre l’imagination, c’est ne pas suivre de règles ; 2) suivre une convention n’implique ni ajustement inventif ni imagination, mais suppose toujours la conformation à une règle donnée d’avance. Je voudrais défendre au contraire que 1°) l’imagination est réglée (par l’association des idées), de sorte que la convergence des imaginations du locuteur et de l’auditeur n’est possible que parce qu’il existe de tels principes communs ; 2°) l’idée d’ajustement perpétuel n’est pas en fait étrangère à l’idée de convention, et la » saillance » (c’est-à-dire l’existence de » points focaux » frappant l’imagination) peut constituer l’une des sources de cet ajustement. Si cela est vrai, on peut alors défendre en même temps la place de l’imagination dans la communication langagière et saisir sous l’idée de convention le phénomène repéré par Davidson, à savoir la convergence se faisant (et non pas à l’avance) entre la manière dont un locuteur veut être interprété et celle dont son auditeur, sur la base d’indices, l’interprète : une convergence qui fait appel à l’imagination.
Eléonore Le Jallé est maître de conférences (HDR) à l’université Charles de Gaulle-Lille3. Voir sa page web sur le site du laboratoire Savoirs Textes Langages.
Conférence publiée, Bulletin 2014 108 1.