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Agenda / Conférences

La vie subalterne (par Guillaume Le Blanc)

Détails

Date :
24 mai 2014
Heure :
16 h 00 - 18 h 00
Catégorie d’Évènement:

Lieu

Université Paris-Sorbonne, amphi Michelet
46 rue Saint-Jacques
Paris, 75005 France Métropolitaine
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Organisateurs

SFP
Guillaume Le Blanc

Prenant appui sur les études subalternes dont je voudrais mesurer l’apport à l’intérieur de la théorie critique contemporaine, en en circonscrivant la portée, je souhaiterais m’interroger sur la possibilité théorique d’un déplacement, offert dans le champ même des études subalternes, de la question coloniale à laquelle sont arrimées de telles études vers la question sociale. L’évaluation de la portée de ce déplacement (ainsi que la possibilité d’un va-et-vient entre ces deux questions) sera l’enjeu de ma conférence. Une nouvelle orientation en philosophie peut en résulter, s’attachant à rendre raison des vies ordinaires depuis leur propre difficulté à prendre la voix ou à être entendues. Cette difficulté à redonner voix aux sans-voix a été particulièrement mise en avant, dans l’argumentaire critique colonial, par la théoricienne Gayatri Chakravorty Spivak, sous le titre Les subalternes peuvent-elles parler? (1988). Critiquant les apports de la nouvelle théorie de l’intellectuel telle que formulée par Foucault ou par Deleuze, elle réfute l’argument politique et éthique de la nécessité de parler au nom des autres et nous rend attentifs, par contraste, au fait que la voix qui prétend parler à la place de quelqu’un finit par remplacer la voix qu’elle est censée représenter. Cette perspective, pour intéressante qu’elle soit, risque d’oblitérer l’argumentaire social initial de la subalternité, défini par Gramsci, comme expérience de relégation et d’infériorisation, portant sur l’histoire des  » groupes sociaux subalternes  » (Cahiers de prison, cahier 25). Concevoir la subalternité comme épreuve sociale et non plus simplement raciale, en considérant la subalternité comme l’état de toute personne dont l’action et la voix ne sont pas appréhendées, c’est alors s’attacher à l’analyse des conditions sociales qui font et défont les vies ordinaires. La désignation de la vie comme vie subalterne (et il faudra se demander qui désigne certaines vies de la sorte) peut ainsi renvoyer, dans les limites du transfert évoqué précédemment, aux différentes épreuves de fragilisation sociale des vies. Précarité, exclusion, invisibilité sociale peuvent dès lors être interprétées comme autant de foyers d’engendrement de la subalternité dans les limites d’une philosophie sociale dont le projet de refondation de l’idée même de philosophie sera alors examiné dans le contexte élargi, fourni par l’argument de la subalternité, d’une volonté de philosopher par en bas. C’est ainsi vers la formulation d’une basse philosophie que s’acheminera l’analyse.

Guillaume Le Blanc est professeur à l’université Michel de Montaigne – Bordeaux 3.

Conférence publiée, Bulletin 2014 108 3.