Agenda / Conférences
Conceptualiser la démocratie (par Marcel Gauchet)
On sait la difficulté de définir la démocratie, tant l’écart est grand entre son idée, ou son principe – le pouvoir du peuple, l’autogouvernement – et la réalité du fonctionnement de nos régimes – les divisions électorales, le jeu des majorités et des minorités, le pluralisme idéologique. Encore la difficulté redouble-t-elle lorsqu’il s’agit de saisir sous le même terme un régime politique au sens strict et un « état social »,
comme « l’égalité des conditions », ou une forme de société – capitaliste, par exemple. Une théorie de la démocratie en mesure d’intégrer ces différents aspects au sein d’une construction conceptuelle cohérente est-elle possible dans ces conditions ?
C’est une proposition en ce sens qu’on voudrait mettre à l’épreuve de la discussion. On voudrait essayer de montrer que la définition de la démocratie comme « mise en forme politique de l’autonomie », celle-ci étant rigoureusement comprise comme l’expression structurelle de la sortie moderne de la religion, permet de satisfaire aux principales exigences qu’on est en droit d’attendre d’une compréhension authentiquement philosophique du phénomène. Elle répond à la question de l’origine et de la signification de la démocratie des modernes, en autorisant une caractérisation ferme de sa spécificité par rapport à la démocratie des anciens. Elle permet de situer le régime démocratique dans ses liens avec son environnement historique, qu’il s’agisse de son inscription dans la forme politique État-nation ou de son association avec la société de l’économie, tout en éclairant par la même occasion la raison d’être du mécanisme représentatif. Bref, elle autorise à donner un statut conceptuel à des données trop vite rejetées du côté de l’empirie. Enfin, elle permet d’articuler approche normative et approche réaliste, en déterminant les conditions d’un rapprochement de la démocratie effective par rapport à son idéal.
Voir la page consacrée à Marcel Gauchet sur le site de l’EHESS.