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Sophistique, performance, performatif (par Barbara Cassin)
» How to do things with words ? » demande Austin. Il me semble que, d’une manière qui reste à problématiser, le discours sophistique est le paradigme d’un discours qui » fait « , qui fait des choses avec
des mots. Ce n’est sans doute pas un » performatif » au sens austinien du terme, bien que le sens austinien varie considérablement en extension et en intention, mais c’est en tout cas un discours qui opère, qui a un » effet-monde « .
C’est cet effet-monde que je voudrais penser, à partir de trois études de cas qui constituent à mes yeux une mise en pratique du logos sophistique. Il y va des trois types d’objets auxquels j’ai travaillé ces dernières années, et dont je voudrais tenter d’instruire ce qui les unit. La réponse étant quelque chose comme : le travail des discours, entre rhétorique et performatif. Soit :
1. La scène primitive Parménide / Gorgias, où l’on comprend la distinction entre discours fidèle et discours » faiseur « , ontologie et phénoménologie d’une part, logologie de l’autre – on la comprend en même temps qu’on acquiert le soupçon et les moyens de remettre en cause la distinction au profit d’une logologie généralisée, c’est-à-dire de réévaluer l’ontologie comme discours qui fait, et même discours parfait, performance absolument réussie.
2. La » Commission Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud, dont l’effet, visé et thématisé, était un faire au moyen de mots – mots, récits, » statements « , pris dans un dispositif singulier ayant pour but de générer le » peuple arc-en-ciel » , construire un passé commun, produire la réconciliation.
3. Le » Vocabulaire européen des philosophies, Dictionnaire des intraduisibles « , dont le fondement, humboldtien, est la différence entre les mondes que produisent les différentes langues, l’impact du fait de la pluralité des langues sur la performance discursive. C’est donc ce rapport entre sophistique, performance et performatif que je voudrais tenter d’interroger.