Résumés Conférences

Pascal, lectures nouvelles. Avec Hélène Bouchilloux, Vincent Carraud, Alberto Frigo, Sophie Roux, Laurent Thirouin

Séance du samedi 18 novembre 2023

PASCAL, LECTURES NOUVELLES

Pour contribuer aux célébrations du quatrième centenaire de la naissance de Blaise Pascal (1623-1662), la Société française de philosophie a demandé à cinq collègues spécialistes de l’œuvre une brève communication sur des textes à leurs yeux trop peu fréquentés ou appelant de nouveaux éclairages.

Sophie Roux (ENS)

Des expériences cruciales :  à propos des traités De l’équilibre des liqueurs

et De la pesanteur de la masse de l’air

 Pascal écrit dans sa Conclusion des deux précédents traités (éd. Mesnard, t. II, p. 1100-1101), à propos de l’expérience du Puy-de-Dôme : « Cette expérience ayant découvert que l’eau s’élève dans les pompes à des hauteurs toutes différentes, suivant la variété des lieux et des temps, et qu’elle est toujours proportionnée à la pesanteur de l’air, elle acheva de donner la connaissance parfaite de ces effets ; elle termina tous les doutes ; elle montra quelle en est la véritable cause ; elle fit voir que l’horreur du vide ne l’est pas ; et enfin elle fournit toutes les lumières qu’on peut désirer sur ce sujet. »  Pourquoi Pascal est-il certain d’avoir trouvé la véritable cause de l’élévation de la hauteur de l’eau dans les pompes ? Telle sera notre question directrice.

Alberto Frigo (Università degli Studi di Milano)

« Un peu de chaque chose et rien du tout, à la française » : Montaigne, Pascal et l’honnête homme

Parmi les textes des Pensées souvent délaissés par les commentateurs, il y a un riche dossier consacré à l’idéal de l’honnête homme. Il s’agit des fragments les plus anciens du recueil qui témoignent, comme l’écrit Emmanuel Martineau, d’un « débat pensant avec la politesse mondaine », c’est-à-dire avec les théoriciens de l’honnêteté avec qui Pascal se lie d’amitié vers 1652-1653. Or, cette reprise du discours sur l’honnêteté s’alimente d’une lecture attentive et d’une interprétation originale des textes de Montaigne qui fondent la doctrine de l’honnêteté. Et, il se peut même que ce soit précisément en se penchant sur les pages de Montaigne théoricien de l’honnête homme que Pascal trouve les instruments pour critiquer la doctrine de l’honnêteté et développer certains de ses concepts les plus originaux.

Laurent Thirouin (Université Lyon 2)

Les trois ordres en leur lieu (fr. S 339, L 308)

La pensée Sel. 339, sur les trois ordres, est un des textes les plus connus de Pascal, et les plus souvent invoqués dans la critique – au point que cet argument tient un peu aujourd’hui du couteau suisse, sollicité pour régler toutes les difficultés de la philosophie pascalienne et apporter précisément un peu d’ordre dans cette œuvre disparate. Un élément essentiel est souvent négligé : le lieu (la liasse) où l’auteur a jugé bon de placer cette pensée. Car Pascal a lui-même imposé des contextes à ses rédactions fragmentaires. Sans invalider bien sûr tous les commentaires sur l’anthropologie des trois ordres, la prise en compte de la liasse suggère un horizon de sens dont il faut tenir compte. Un examen un peu technique, mais non sans conséquence intellectuelle, des corrections et ajouts présents dans le manuscrit, permettra de définir plus exactement les catégories utilisées dans ce fragment capital.

 Vincent Carraud (Sorbonne Université)

« Un excellentissime auteur de ce temps… » ? (Lettre d’Étienne Pascal au père Noël, avril 1648)

 La présente note a pour objet de compléter l’annotation due à Jean Mesnard du t. II de son édition des OC de Pascal (note 1, p. 592) en identifiant non seulement l’« excellentissime auteur de ce temps » qui a fait « une très belle » antithèse, mais aussi le « grand saint [qui] a dit : In apostolis multum erat pleni, quia multum erat vacui » dans la Lettre de M. Pascal le père ­– mais aussi peut-être Blaise ? – au Révérend Père Noël d’avril 1648 : « la question est pourtant d’importance, disait l’érudit éditeur, si l’on veut définir avec précision le goût littéraire de la famille Pascal et le genre de lectures qu’elle appréciait ».

Hélène Bouchilloux (Université de Lorraine)

Penser … mais à quoi ? (fr. L 520, S 513)

La théorie pascalienne de la pensée est complexe, et souvent rapprochée sans précaution suffisante de la théorie cartésienne de la pensée. L’étude du fragment Lafuma 620/Ferreyrolles-Sellier 513 sera l’occasion de vérifier les écarts entre les deux philosophes, mais aussi et surtout de clarifier la double assertion selon laquelle la pensée fait la grandeur de l’homme, et cette grandeur n’est elle-même grande qu’à penser comme il faut. Restera à élucider le sens de cette dernière affirmation dès lors qu’à la notion de pensée doit être connectée la notion de divertissement.