Kant, 1724-2024 (Inga Römer, Antoine Grandjean, Mai Lequan, Elena Partène)
KANT, 1704-2024
Samedi 16 novembre 2024
Introduction par Christian Berner (Paris-Nanterre)
Inga Römer (Fribourg-en-Brisgau)
Quel problème de la métaphysique ?
Dans son livre Kant et le problème de la métaphysique, Martin Heidegger soutient que Kant visait une métaphysique critique en tant qu’ontologie. Or, est-ce cela « le » problème de la métaphysique selon Kant ? L’intervention n’y répond pas seulement par la négative, mais elle se propose de montrer que le débat autour de la question de savoir si Kant était ou non un métaphysicien et, le cas échéant, quelle métaphysique il aurait visé, a des implications éthico-politiques importantes. Dans un premier temps, on discutera quelques éléments d’un débat autour de Kant qui avait lieu au début du XXe siècle. Ensuite, on se tournera vers Martin Heidegger, qui n’est pas seulement le dernier représentant de ce débat, mais qui y occupe, par ailleurs, un statut tout particulier. Enfin, on verra que le traité inachevé que Kant avait préparé à propos de la question de concours « Quels sont les progrès réels de la métaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibniz et de Wolff ? » esquisse une métaphysique critique que Kant appelle « pratico-dogmatique ». Cette métaphysique pratico-dogmatique ne renvoie pas seulement à une tout autre figure de la métaphysique que celle identifiée par Heidegger, mais elle a également des enjeux éthico-politiques opposés. Or, quel est exactement le problème de la métaphysique selon Kant, quelles en sont les implications éthico-politiques, et quelle pourrait être l’importance de ces questions pour la renaissance de la métaphysique à notre époque ?
Antoine Grandjean (université de Lille)
L’idéalisme transcendental, « concept doctrinal » et problème cardinal
Kant est le premier philosophe de l’histoire à se proclamer idéaliste, et cela au point de faire de « l’idéalisme transcendantal » l’un des deux principes cardinaux – et le premier – de la « philosophie critique », donc aussi bien de « toute la métaphysique ». Nous rappellerons toutefois combien cette proclamation – dont nous verrons qu’elle répond d’abord à une imputation extrinsèque – allait de pair avec une redéfinition de l’idéalisme comme thèse d’idéalité. Nous nous demanderons dès lors quels problèmes posait cette détermination, qui ne pouvait que conduire à dire la « subjectivité » dans les termes de la « représentation ».
Mai Lequan (université Jean-Moulin – Lyon 3)
Remarques sur les conceptions kantiennes du nomade
Il s’agira d’examiner les divers usages et perceptions tantôt élogieux, tantôt critiques, tantôt descriptifs et neutres, que Kant a pu faire de la notion de « nomadisme » à partir de l’exemple de diverses tribus (arabes ou sibériennes), ce que représente dans et pour le criticisme le moment du nomadisme sceptique dans l’histoire de la raison et la manière dont le droit cosmopolitique, dans la perspective d’un projet de paix perpétuelle, peut rattacher les nomades errants malgré tout à un type de contrat juridique, enfin quelles sont les principales sources d’information (traités et récits de voyageurs) dont Kant disposait au sujet du nomadisme, à partir d’un examen de ses Vorlesungen de géographie physique.
Elena Partène (ENS)
Sublime et négativité
Dans la réflexion que Kant consacre au sublime dans la Critique de la faculté de juger, il cite un exemple d’énoncé considéré par lui comme étant le plus sublime qu’on ait prononcé. Il s’agit du commandement biblique « Tu ne feras point d’image taillée… », référant à l’interdit de représentation et à la tradition iconoclaste. Kant superpose ainsi trois niveaux de réflexion, esthétique, théologique et politique, pour promouvoir un régime négatif de la représentation : la singularité du sublime, par lequel la transcendance de ce qui ne saurait se limiter au sensible se dévoile négativement dans un spectacle sensible, donne à penser une critique de l’image et inaugure un symbolisme qui trouve son ancrage dans le négatif de l’image, savoir le signe.