Brèves

« La liberté familiale : généalogie d’une idée », par Gabrielle Radica (répondant : Frédéric Brahami).

« La liberté familiale : généalogie d’une idée »

conférence par Gabrielle Radica, professeure à l’université de Lille

répondant : Frédéric Brahami, directeur d’études de l’EHESS, CESPRA)

samedi 18 janvier 2025 à 15 h 30, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 12 place du Panthéon, 75005 Paris
salle 1, escalier M, 1er étage (sur inscription seulement) – retransmission en visioconférence (sur inscription)

Libre choix du conjoint, divorce par consentement mutuel, protection de la sphère privée contre les intrusions du pouvoir étatique, et contre la pression des instances morales, sociales et religieuses qui s’exerce en matière sexuelle, éducative ou procréative : le droit positif protège désormais la liberté dans la sphère familiale dont nombre d’auteurs, depuis le XIXe siècle (Benjamin Constant, Henry Maine, Alexis de Tocqueville) jusqu’aujourd’hui (Anthony Giddens, John Rawls, Axel Honneth, Susan Moller Okin, Martha Nussbaum), observent le développement et consacrent la valeur.

Encore faut-il s’entendre sur le sens de cette liberté, et saisir en quoi la vie en famille la détermine et lui fait obstacle. La notion appelle une clarification, car elle désigne des choses différentes, voire opposées : la liberté collective du groupe, ou celle de ses membres. Dans le second cas, elle désigne tantôt l’indépendance des uns vis-à-vis des autres, tantôt la protection légale et statutaire de chacun contre l’arbitraire, la dégradation et l’instrumentalisation, tantôt enfin l’émancipation du sujet social vis-à-vis des diverses servitudes auxquelles il est exposé. 

Un examen généalogique permet de comprendre la multiplicité des racines philosophiques de la liberté familiale, et l’on proposera de ressaisir la typologie de ces trois significations en convoquant la différence entre l’indépendance de l’individu selon Locke, la liberté légale des personnes selon Kant, et le processus d’émancipation que poursuit avec plus ou moins de succès le sujet spinoziste.

Cette généalogie philosophique se montre également féconde, parce que ces trois sens historiques de la liberté se prêtent à une réactualisation qui éclaire le droit positif. La liberté de divorcer, l’interdiction légale, et désormais d’ordre public, de céder son autorité parentale à l’autre parent, ou enfin la vigilance à l’égard de la manipulation par les proches constituent trois types de garanties juridiques qui, chacune, promeuvent une seule de ces trois formes de liberté, et qui peuvent dicter des conduites différentes (séparation ou maintien de la solidarité ; saisie du juge, d’un avocat ou d’un notaire, ou négociation informelle). 

De telles distinctions expliquent enfin pourquoi la poursuite simultanée de ces différentes formes de liberté produit toutes sortes de désillusions (quand la liberté d’un membre nuit à celle d’un autre) et de méconnaissances (quand la poursuite d’une forme de liberté produit son contraire). Elles permettent de mieux identifier les situations empiriques de domination ou de sujétion familiales. Ces trois conceptions rivales s’adossent en effet chacune à des théories sociales distinctes, ainsi qu’à des définitions différentes de la famille et de ses membres. 

En révélant les ontologies sociales et la métaphysique du sujet sur laquelle s’appuie chacune de ces conceptions, cette généalogie pourrait ainsi aider à dissiper certaines des confusions normatives et sociologiques qui règnent en ce domaine.

Pour assister en présence ou recevoir le lien zoom, inscription obligatoire avant le 16 janvier : www.sofrphilo.fr